Home » International Tribunal on Evictions » Sessions » ITE 2019 Session on climate change » Communiqué final du Sommet Social sur le Climat - Le monde s’est réveillé face à l’urgence climatique - Nous sommes beaucoup plus fort·e·s que jamais.

Mostra/Nascondi il menu

Communiqué final du Sommet Social sur le Climat - Le monde s’est réveillé face à l’urgence climatique - Nous sommes beaucoup plus fort·e·s que jamais.

Le Sommet social pour le climat (SSC) a constitué un espace fondamental de réponse sociale à la COP25. Nous avons pris le relai, sans vraiment l’avoir souhaité, et avons monté en un temps record ce sommet social pour le climat. Nous nous sommes engagé·e·s à servir de haut-parleur aux revendications des communautés du sud global et, en particulier, aux mouvements sociaux latino-américains et chiliens, dont la voix était destinée à être réduite au silence.

Malgré le défi logistique et humain, nous avons toujours pris soin de travailler en étroite coordination avec les différents mouvements sociaux chiliens impliqués, en particulier les Minga autochtones, le Sommet des peuples et la Société civile pour l’action climatique (SCAC). Ces rencontres ont été maintenues au Chili, mais la présence de leurs messages et de leurs délégations au SSC était fondamentale. Des éléments tels que la dénonciation de l’extractivisme, de la violation des droits humains, des revendications liées à la justice sociale et aux peuples indigènes ont été au centre de nos revendications depuis le début. Malgré des délais très serrés (et grâce à la contribution de l’Université Complutense de Madrid et de l’UGT) nous avons pu relever le défi de mettre sur pied un espace physique et humain pour la célébrer le SCC. Nous avons canalisé plus de 370 demandes d’activités structurées autour de différents axes thématiques : limites planétaires, système économique et financier, justice sociale, systèmes politiques, démocratie et droits humains, intersectorialité et véritables solutions. Plus de 15 000 personnes et 300 organisations, réseaux, collectifs et mouvements sociaux de tous les continents se sont réunis au SCC pour discuter, échanger des idées et faire des propositions sur l’écoféminisme, les migrations, le néocolonialisme, l’indigénisme, l’emploi, l’agroécologie, l’énergie, les transitions, la démocratie, la culture régénérative et tant d’autres. Face aux débats décevants des négociations officielles, qui ont tourné autour des marchés du carbone ou des compensations, le SSC s’est chargé d’ouvrir des espaces de débat beaucoup plus riches et diversifiés sur les solutions réelles. Mais surtout, le SSC a permis de continuer à tisser le réseau social et communautaire qui nous rendra plus fort·e·s face aux scénarios de crise écologique, sociale et climatique auxquels nous sommes confronté·e·s.

Chaque jour des assemblées plénières ont réunis des centaines et parfois près d’un millier de personnes. Elles ont été l’occasion d’écouter des dizaines de camarades de communautés très diverses qui ont partagé leurs luttes et leurs réponses aux agressions extractivistes et aux impacts climatiques en première ligne. Les échanges de ces deux semaines avec les peuples autochtones a été l’une des expériences les plus constructives, enrichissantes et émouvantes du SCC. Comme ils l’ont écrit dans la lettre adressée à la présidence de la COP25, les peuples autochtones sont les «gardiens de la vie dans les territoires les plus riches en biodiversité de la planète» et œuvrent pour «le bien-vivre, la vie, la nature et l’humanité, qu’ils soient autochtones ou non”. Ces peuples et nations autochtones (qui défendent le territoire face aux multinationales, les industries extractives, la marchandisation de la planète) ont clairement fait comprendre que la terre est essentielle à la subsistance des êtres humains et des êtres non humains ainsi que l’importance de l’équilibre entre le matériel et le spirituel. De par leur conception de la terre nourricière en tant qu’être vivant et de leur savoir traditionnel, ils nous ont fourni de précieuses informations sur la transition écologique nécessaire. Nous nous joignons à ces peuples et à ces nations pour dénoncer le rôle des multinationales, principalement les espagnoles, pour exiger la fin de la criminalisation et de la persécution dont elles sont victimes pour avoir protégé les écosystèmes, pour déclarer que la Terre Mère est un être vivant soumis à des droits et pour exiger que les combustibles fossiles soient gardés dans le sol et protégés de l’extractivisme colonial.

S’il y a une chose que nous avons apprise des peuples autochtones, c’est que le colonialisme se poursuit, non seulement dans les grandes entreprises, mais aussi dans nos façons de penser et d’agir. Au cours de ces deux semaines, nous avons commis des erreurs à la suite d’une pensée qui, malgré notre bonne volonté, ne remet pas suffisamment en question le pouvoir des blancs. Des erreurs qui ont engendré de la douleur. Nous nous en excusons. Et nous voulons apprendre de ces erreurs. Le chemin de la décolonisation est long, mais nous voulons le parcourir parce que, à la fin de la lettre présentée par les Minga autochtones à COP25, » il est temps d’unir tous les efforts du monde et de mettre de côté nos différences.

Nous voudrions également souligner la persécution dont sont particulièrement victimes les femmes et le peuple mapuche (dont la répression est une pratique historique et commune à tous les gouvernements jusqu’aujourd’hui). C’est pourquoi nous soutenons leur lutte et exigeons la fin de la répression et la libération des prisonniers politiques. De même, nous soutenons tous les peuples qui luttent pour la défense de leurs territoires et nous nous souvenons de celles et ceux qui ont été assassiné·e·s dans l’exercice de ce droit. Ce fut un honneur de recevoir Laura Zúñiga Cáceres, fille de Berta Cáceres, assassinée par le gouvernement hondurien pour avoir défendu son territoire.

Notre regard n’a cessé de se porter sur les récentes mobilisations au Chili, dont la population descend quotidiennement dans la rue pour lutter pour le changement. Nous avons dénoncé les violations des droits humains du gouvernement de Piñera, qui assassine, blesse, torture et viole. Elles sont la manifestation palpable de la crise du système néolibéral, qui a non seulement précarisé le système de santé publique, dilapidé le système de retraite et endetté de larges couches de la population (et en particulier la population étudiante), mais qui a également mené depuis des décennies une politique extractive au détriment des territoires. Alors que la crise climatique devient de plus en plus palpable au Chili – avec des processus tels que la désertification, l’épuisement des nappes phréatiques ou l’élévation du niveau de la mer, sapant les possibilités de vie dans les territoires -, ces exigences ont été intégrées aux luttes pour la justice sociale. Pour cette raison, le SSC a toujours voulu rendre visible ce lien entre la crise sociale et la crise écologique comme différentes manifestations d’un même problème : un modèle économique qui menace la vie.

Les assemblées plénières ont également suivi les négociations officielles de la COP25, la lutte climatique des mouvements de jeunesse, le lancement du manifeste latino-américain pour le climat par le SCAC/FIMA, la déclaration finale du Sommet des peuples, les luttes des femmes défenseures des droits humains, la criminalisation de la protestation et les luttes des militant·e·s contre les combustibles fossiles et les mégaprojets, l’écoféminisme et les alternatives pour un avenir souhaitable. La diffusion de la culture a également joué un rôle central, à travers des espaces d’exposition, des ateliers d’art, des performances, des lectures de poésie et des performances musicales.

Notre vision de la COP25

Nous, défenseur·e·s de la justice climatique, scientifiques, jeunes, femmes, peuples indigènes, paysan·ne·s, militant·e·s d’organisations et de mouvements sociaux du monde entier, nous nous sommes réuni·e·s au Sommet social pour le climat et avons manifesté massivement à Madrid pour sonner l’alarme une fois de plus et d’une seule voix : les négociations de la COP25 nous conduisent à un réchauffement planétaire aux conséquences catastrophiques. C’est à nous d’articuler les réponses à l’urgence climatique, nous ne pouvons rien attendre de la majorité des Etats dont les engagements devraient être fortement accrus.

Des vies humaines et notre planète sont en danger. Les pays du Nord global accumulent une dette historique à laquelle ils doivent répondre en garantissant les fonds nécessaires pour répondre à l’urgence écologique et sociale de la majeure partie de la planète. Il est inacceptable de continuer à remettre en question les garanties des droits humains dans la lutte contre le changement climatique. Il serait impardonnable que des mécanismes tels que les marchés du carbone ou les mécanismes de développement “propres” continuent d’être à l’origine d’énormes violations sociales et environnementales.

Ce sommet ignore une fois de plus la nécessité de chasser les grands pollueurs de ces sommets. La COP devient une vitrine où les entreprises responsables de la dégradation du climat peuvent faire de l’écoblanchiment grâce au parrainage et obtiennent ainsi un accès privilégié aux politiciens et aux négociateurs.

Alors que les mobilisations massives des derniers mois sont mentionnées en séance plénière, les demandes de mesures concrètes sont ignorées, expulsant plus de 300 personnes du sommet officiel – défenseur·e·s de la justice climatique, scientifiques, jeunes, femmes, leaders autochtones, représentant·e·s d’organisations du monde entier – qui s’étaient unis dans une manifestation pacifique pour sonner l’alarme d’une seule voix : les négociations de la COP25 sont en train d’être dangereusement déviées.

En 2015, les pays se sont mis d’accord sur un processus faible connu sous le nom d’Accord de Paris, mais comme le montre clairement la communauté scientifique, ce pacte mondial semble incapable d’atteindre l’objectif de maintenir l’augmentation de la température mondiale sous les 2°C et de préférence sous les 1,5°C. Cette COP25 pourrait encore réduire cette ambition. En retardant la présentation de nouveaux engagements, nous pouvons retarder de plusieurs années l’urgence climatique, ce qui aura des conséquences catastrophiques.

Il reste à peine 10 ans pour faire face à l’urgence climatique. Cependant, il y a encore des propositions pour approfondir des mécanismes tels que les marchés du carbone ou les mécanismes de développement propre qui ont déjà été à l’origine de nombreuses violations des droits humains et environnementaux. Il est tout simplement inacceptable de continuer à permettre aux grandes compagnies pétrolières, aériennes civiles, maritimes, minières et électriques de continuer à conditionner la voie de la décarbonisation de l’économie. Seule une planification correcte qui réussit à transformer le système capitaliste prédateur en un système qui place la planète et la vie au centre sera capable de répondre à l’urgence climatique.

En ces dernières heures de la COP25, nous réaffirmons notre engagement à formuler des solutions réelles à l’urgence environnementale et sociale. C’est notre capacité à mobiliser, à nous organiser et à nous entendre qui peut nous sauver de l’urgence écologique et sociale dans laquelle nous vivons. Nous avons appris les un·e·s des autres, nous avons établi des liens de solidarité, nous nous sommes transmis nos désir de combattre. Nous repartons bien plus fort·e·s que nous sommes arrivé·e·s. Nous maintiendrons la pression face aux politiciens pour défendre le bien commun. Nous continuerons dans les rues pour lutter face à l’urgence climatique, nous renforcerons les réseaux de solidarité  avec les populations qui de Santiago à Madrid luttent pour la justice dans toutes les parties du monde. Face aux politiques néolibérales, aux zones sacrifiées et à la folie de continuer à extraire des combustibles du sol, nous appelons à une résistance pacifique mais ferme et continue car, avant tout, le monde s’est réveillé face à l’urgence climatique.